jeudi 5 novembre 2009

François Bégaudeau, Vers la douceur. (Gallimard, 2009)




Les surveillances d’examens ont cela de bon qu’elles permettent de voler, de ci, de là, quelques minutes de lecture. Vers la douceur est un vol des plus agréables, des instants de pur plaisir à la fois canaille et doux, à la fois tendre et drôle, à la fois décalé et au centre de ce qu’il y a de plus essentiel: les relations entre hommes et femmes.

Ce roman a été très débattu par les critiques et je me découvre inconditionnelle de ce texte, un pur moment de plaisir. J’étais reconnaissante à mes étudiants de bien vouloir ne pas tenter de tricher pendant trois heures afin que je puisse dévorer ce beau texte.

Des vies se croisent, se catapultent, se réchauffent, se heurtent plus violemment. Soleil, chaleur, parfois plus de solitude, mais avec un humour souvent jubilatoire. Des personnalités fortes: Bulle et son capaharnaüm, Cathy qui trouve son cul trop gros, un narrateur obsédé par l’idée de coucher avec une femme de plus de quarante ans, Jeanne qui quitte Jules et rencontre Flup, bref un vrai jeu de billard où les boules se heurtent, s’envoient dans les poches, hors de la table…

Mais ce n’est pas triste, le style est unique, l’humour est vif, Bégaudeau propose de beaux moments de vie. Un très beau texte.

mercredi 4 novembre 2009

Alberto Manguel, Tous les hommes sont menteurs. (Actes Sud, 2009) traduit de l’espagnol par Alexandra Carrasco.

Ce roman est un texte polyphonique autour de l’écrivain Alejandro Belavicqua, auteur de romans photos et, peut-être, d’un chef d’oeuvre unique Eloge du mensonge. Belavicqua, retrouvé mort en bas de son balcon dans les années 1970 peu après le lancement de son roman, était-il un génie ou un imposteur?





Vu à travers les yeux d’Adrea, son dernier amour qui a découvert et fait publier Eloge du mensonge, à travers les récits d’un écrivain argentin très agaçant qui se prétend omniscient sur le sujet d’ Alejandro Belavicqua, un certain Alberto Manguel, ou décrit par celui qui déclare être le vrai auteur de l’Eloge, Marcelino Olivares, Alejandro Belavicqua prend forme, se délite, se défile, on croit le saisir, on le perd. Le journaliste poitevin Jean-Luc Terradillos qui tente de dresser son portrait aura tâche difficile. Pourra-t-il parvenir à son but ultime, saisir l’essence du Maître?

Ce texte qui échappe sans cesse à son lecteur est un moment de lecture parfaitement jouissif, surtout quand Manguel utilise son double littéraire pour en faire un personnage assez imbu de sa personne qui se croit une autorité dans le monde des lettres.

mardi 3 novembre 2009

Marcello Fois, Mémoire du vide. (Seuil, 2008), traduit de l’italien par Jean-Paul Manganaro.

Marcello Fois, inspiré par un bandit sarde du début du XX° siècle, Samuele Stocchino. Alors qu’il revenait, avec son père, du baptême du fils d’un ami, le tonnelier Boi leur refusa un verre d’eau. Felice, son père, maudit alors la maisonnée. Peu à peu, le fils prend en charge cette malédiction: il devient le poison des riches, l’antidote à leur pouvoir sur les pauvres.

Son amitié, puis son amour profond pour Mariangela, le garderont toujours du côté de l’humanité dans ce qu’elle de plus profond et de plus attachant. Mariangela le sait: elle l’aime tant que, malgré la Grande Guerre, il reviendra. Il se bat en Libye, en Autriche et revient en héros. Mais les puissants du village veulent sa peau. Ils causent la mort de son frère, de son père, et font de lui un hors la loi, un bandit d’honneur, un vengeur des pauvres.

Il causera la perte de ceux qui ont osé s’en prendre à sa famille, à Mariangela que les Manai veulent accaparer pour eux-mêmes. Un par un, les membres des familles puissantes de son village vont alors payer le prix de leur pouvoir, de leurs excès, des vies qu’ils ont gâchées.

Un texte puissant, à la fois poétique et politique.