vendredi 9 novembre 2007

La statue de sel d'Albert Memmi


Je viens de finir la lecture de La statue de sel d'Albert Memmi. Il s'agit d'un roman semi-autobiographique. Alexandre Mordekhaï Benillouche, narrateur et double de l'auteur, est un petit juif tunisien qui vit un peu en dehors du ghetto de sa ville. Son parcours intellectuel l'amène à se couper de sa communauté, de son père bourrelier, de sa mère analphabète qui ne parle que patois. Et pourtant, il ne sera jamais accepté par les Européens, l'Allemagne l'enverra dans un camp de travail et la France Libre lui demandera, au moment de s'engager, de changer son nom pour faire moins juif.

Alexandre Mordekhaï Benillouche a le derrière entre trois chaises: la communauté juive, les musulmans dont il se sent solidaire face à l'oppression coloniale et les Européens. Mais il ne sera jamais totalement accepté par aucune.

Alexandre Mordekhaï Benillouche fait une petite apparition dans Le Pharaon d'Albert Memmi que je suis en train de lire. Il est devenu un grand écrivain, mais ne sait toujours pas vraiment où se situer.

Deux extraits:

"Devant l'impossible union des deux parties de moi-même, je décidai de choisir. Entre l'Orient et l'Occident, entre les croyances africaines et la philosophie, entre le patois et le français, il me fallait choisir: je choisissais Poinsot, ardemment, vigoureusement. Un jour, entrant dans un café, je me suis vu en face de moi-même; j'eus une peur atroce. J'étais moi et je m'étais étranger. C'était un miroir qui couvrait tout un mur, si net qu'on ne le devinait pas. Je me devenais étranger tous les jours davantage. il me fallait cesser de me regarder, sortir du miroir." (p. 247)

"Ou bien, plus simplement, parce que je n'ai pas perdu un bras ou une jambe au camp de travail, parce que je n'ai pas été embarqué pour l'enfer ou parce qu'on ne m'a pas arraché les ongles, je me sens débiteur envers mon siècle. Victime ou bourreau, l'époque l'exige. Je ne me sens pas assez victime, voilà pourquoi ma conscience reste torturée." (p.293)

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Je t'avais aussi parlé du Scorpion, très bien aussi quoiqu'un peu daté. L'exemplaire est chez moi, ou à Cagnotte.